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Mise au point sur la recherche scientifique dans l’autisme

Le développement de la recherche sur l’autisme dans le monde est impressionnant. Sans compter les livres et chapitres de livres, plus de 6 000 publications originales paraissent chaque année à ce sujet dans des revues avec comité de sélection scientifique.

La recherche sur l’autisme s’étend à tous les domaines mais reste dominée par la dimension étiopathogénique biomédicale, la génétique, la neuropsychologie, la neurobiochimie et la neurophysiologie. Chaque semaine, le site Spectrum, qui appartient à la Fondation Simons, publie les dernières nouvelles en matière de recherche et d’applications sur l’autisme. Il s’adresse aux associations comme aux professionnels. Cette brève revue va faire mention uniquement des conclusions les plus importantes. Des références sont données pour un approfondissement des connaissances.

Variations génétiques

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) sont de plus en plus considérés comme l’expression d’une altération ou d’une atypie du fonctionnement synaptique, du développement de la connectivité et des réseaux neuronaux.

Ces altérations peuvent survenir tôt (même dès la conception) par le biais de variations génétiques et, sous l’influence de facteurs environnementaux, elles vont entraîner dans le cerveau des variations du développement, lesquelles, en s’accumulant chez un individu, vont donner un TSA et/ou un autre trouble du neurodéveloppement (TND).

Les variations génétiques (mutations, délétions, translocations) sont globalement de deux types.

  • Les variations du nombre de copies (CNV) surviennent sur un ou plusieurs gènes et peuvent s’accompagner de malformations caractéristiques – comme dans l’autisme dit syndromique (rare) – ou de façon plus commune être associées à des malformations moins caractéristiques et à un retard du développement – 20 à 30 % des cas cliniques de TSA.
  • Les variations de type SNP (single-nucleotide polymorphism) portent sur un seul nucléotide et sont très fréquentes. C’est leur nombre et leur combinaison avec d’autres variations et avec des facteurs environnementaux qui en font un facteur de risque potentiel pour les TSA.

Ces variations génétiques (CNV et SNP) ne sont toutefois pas spécifiques du TSA. Elles constituent des facteurs de risque supplémentaires pour d’autres TND ou des troubles psychiatriques comme la schizophrénie et la bipolarité, suggérant ainsi des mécanismes pathogéniques convergents. Les mutations dans les facteurs de régulation de la chromatine et des facteurs de transcription figurent parmi les plus importantes causes génétiques communes des TND. Plus de 150 sont listées dans la base de données SFARI (Simons Foundation Autism Research Initiative).

D’autres mécanismes moins connus comme les variations dans les parties non codantes des gènes ou les mutations faux-sens ont été mises en évidence chez les personnes avec autisme.

L’épigénétique est l’étude de l’expression des gènes sans modification de leur structure. Cela se fait principalement par un mécanisme de méthylation de l’ADN et des histones (hyper ou hypométhylation). L’expression ou réduction au silence d’un gène est fortement liée à l’environnement.

Les mécanismes épigénétiques ont été mis en évidence y compris dans les troubles avec altération d’un seul gène (syndrome de Rett et syndrome de l’X fragile). Une grande variété de modifications (hyper ou hypométhylation) a été retrouvée comme l’hyperméthylation de la région promotrice du gène de OXTR dans le TSA et par conséquent une faible expression du gène codant de l’ocytocine.

D’autres gènes candidats dont la modulation de l’expression sont associés au TSA : binding Protein 2, BCL-2, RORA, Alpha, SHANK 3, Methyl CpG.

L’étude des endophénotypes (traits héritables et distribués entre les parents) montre que plusieurs types de pathologies partagent avec l’autisme des caractéristiques endophénotypiques parfois cliniquement exprimées, qu’il n’y a pas de facteur génétique, neuronal ou cognitif spécifique de l’autisme, que des traits subcliniques sont largement distribués dans les familles, établissant ainsi un continuum avec la population non clinique et renforçant ainsi la position de la « neuro-atypicité ».

Facteurs environnementaux

De très nombreux facteurs environnementaux sont susceptibles d’influencer la pathogenèse de l’autisme en raison de leur influence sur les phases précoces du développement fœtal (pour consulter la liste exhaustive : Cheroni et al., « Autism Spectrum Disorder at the Crossroad between Genes and Environment: Contributions, Convergences, and Interactions in ASD Developmental Pathophysiology », Molecular Autism, septembre 2020).

  • Facteurs de risque parentaux : l’âge parental (pour les deux parents) avancé, l’intervalle court entre les grossesses et les anticorps maternels peuvent induire des TND, dont les TSA.
  • Exposition prénatale aux médicaments : les médicaments comme les antidépresseurs, les antiasthmatiques, les antiépileptiques et ceux qui affectent le système sérotoninergique sont associés à un risque accru de troubles de la motricité, du langage, des compétences sociales. Le risque fort de l’exposition prénatale au valproate dans le développement du TSA est établi. Par exemple, le valproate, prescrit notamment sous le nom de Dépakine, est un antiépileptique qui doit être formellement interdit chez la femme enceinte et chez toute femme ou adolescente en âge de procréer et susceptible de tomber enceinte. Il en est de même de ses variantes prescrites dans des maladies bipolaires.
  • Facteurs de risque périnataux : de nombreux facteurs semblent associés au TSA, dont la souffrance néonatale, les traumatismes à la naissance, les hémorragies maternelles, le petit poids de naissance et la grande prématurité, la neuro-inflammation, les infections virales.

D’autres facteurs de risque ont été évoqués :

  • Les pesticides (polychlorobiphényles) et les métaux lourds (plomb, mercure, arsenic) sont associés à un risque accru de TSA.
  • Les perturbateurs endocriniens agissent par l’altération des voies de signalisation hormonales et des modifications épigénétiques.
  • La pollution atmosphérique (gaz, particules, métaux) en période pré et postnatale.

Interaction gène/environnement

Un des mécanismes de cette interaction est lié au polymorphisme des gènes qui régulent les réponses. De très nombreux variants SNP ont été identifiés dans des enzymes impliquées dans le métabolisme des substances étrangères présentes dans le corps (xénobiotiques). Certains peuvent conférer une résistance à cette substance mais, en association avec d’autres facteurs, s’ajouter au risque de TSA. La possibilité d’utiliser des cellules-souches pluripotentes produites à partir de cellules somatiques va permettre de mieux élucider les mécanismes intimes du développement du SNC et des facteurs susceptibles de l’influencer.

Le nombre et l’extrême variabilité de ces variations nécessitent l’établissement de modèles systémiques d’organisation des données pour mieux comprendre les voies de l’évolution vers l’organisation en circuits fonctionnels ou dysfonctionnels. C’est ce qui se fait déjà à travers de larges bases de données et leur organisation en strates fonctionnelles interactives (Mingfeng Li et al., « Integrative Functional Genomic Analysis of Human Brain Development and Neuropsychiatric Risks », Science, décembre 2018).

  • La neuro-anatomie. L’IRM structurale ou fonctionnelle montre des modifications de volume et de connectivité associées à un TND, à un TSA ou à certaines caractéristiques du trouble autistique dans plusieurs régions du cerveau.
  • Le diagnostic précoce. Le dépistage est communément basé sur l’usage de questionnaires valides, sensibles et spécifiques tels que l’Infant Toddler Checklist (ITC) à partir de 8 mois ou la M-CHAT à partir de 18 mois. D’autres méthodes utilisant des procédures plus objectives et plus précoces en rapport avec la pathogénie de l’autisme sont à l’essai :
    • la poursuite oculaire ou eye-tracking: des dispositifs de dépistage utilisables à partir de 6 mois basés sur la poursuite oculaire sont déjà à l’essai et semblent avoir un bon niveau de précision (N. Vargas et al., 2017),
    • l’IRM fonctionnelle chez des nourrissons de 6 mois a permis d’identifier, avec une prédictibilité de 100 %, ceux qui recevront un diagnostic de TSA à 24 mois (R. W. Emerson et al., 2017).

Recherche thérapeutique

Jusque-là, seules les méthodes comportementales et éducatives introduites au début des années 1970 ont fait preuve de leur efficacité et ont amélioré les conditions de vie des personnes avec autisme. La recherche a consisté essentiellement à les mettre en œuvre dans des contextes différents d’implémentation, à les rendre plus proches du cadre de vie habituel, plus interactives, plus engagées émotionnellement et à donner un rôle plus important aux parents. Nous citerons parmi ces évolutions le Pivotal Response Training (PRT) et l’Early Start Denver System (ESDS).

Guides et références de recommandations sur les pratiques

La recherche qui évalue les pratiques joue un rôle décisif dans la détermination des bonnes pratiques. Plusieurs organismes et institutions évaluent les pratiques sur la base de ces recherches et formulent des recommandations :

Médicaments et autisme

Plus récemment et résultant de la recherche neurobiologique, l’intérêt s’est porté sur certains médicaments.

  • Le Balovaptan est un antagoniste du système vasopressine en stade 2 des essais cliniques chez les adultes (hommes) et les enfants et adolescents, avec des résultats jugés satisfaisants après 12 semaines (P. Schnider et al., 2017).
  • La Romidepsine, médicament anticancéreux inhibiteur d’une enzyme (HDAC), atténuait les déficits sociaux chez les souris déficientes en SHANK 3. Ceci laisse envisager un potentiel d’utilisation chez les patients avec autisme porteurs de la mutation SHANK 3, même si elle n’existe que chez 2 à 3 % des personnes avec autisme.
  • La Bumetadine (diurétique) pourrait être développée comme un médicament qui agirait sur un des mécanismes de base en cours dans l’autisme, à savoir les anomalies de l’excitation neuronale dans la transmission GABAergique.

L’utilisation d’outils génétiques (CRISPR) avec utilisation de nanoparticules chez un modèle de souris à l’X fragile a permis de corriger les comportements répétitifs. Ce même outil a été utilisé pour restaurer l’expression du gène muté dans les cellules-souches.

Parmi les sociétés internationales qui se consacrent à la recherche sur les TSA, vous pouvez suivre l’actualité de l’International Society of Autism Research (INSAR). Cette association a mis en place un programme pour promouvoir des jeunes chercheurs dans le domaine de l’autisme.

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